La pratique du Yoga Nidra est aujourd’hui entrée dans le langage courant. Elle se base essentiellement sur les travaux de Swami Satyananda Saraswati qui a popularisé cette pratique vers la moitié du 20^ème siècle. Les critiques disent qu’il s’agit juste d’une forme d’hypnose ou d’une méthode Coué ritualisée. D’autres considèrent le Yoga Nidra comme une pratique puissante qui vise à la fois la relaxation totale et la pleine conscience. Quelle est la vérité ? Et derrière cette pratique, se cache-t-il des pouvoirs encore non-compris ?

Relaxation… et conscience.

Si vous lisez mes articles sur le yoga thérapeutique ou encore les fiches des asanas, vous m’entendrez souvent parler de comment telle ou telle asana peut avoir des effets bénéfiques dans le cas de diverses maladies. Mais comment les asanas ont-elles ce pouvoir ? Est-ce simplement une question de posture dans laquelle nous mettons notre corps ? Ou est-ce une question de respiration ? Pas tout à fait. Parmi les clés les plus importantes du Yoga est le lien entre la conscience et le reste du corps. Tant que la conscience n’est pas au rendez-vous, une asana ne va pas plus loin qu’une simple posture physique.

Mais cela pose deux problématiques. Déjà, très souvent, nous n’avons même pas conscience d’avoir cette conscience en nous. Ensuite, pour que cette conscience puisse apparaitre, une des premières étapes est que le corps et l’esprit soient complètement relaxés. Pourtant, la plupart du temps, quand nous cherchons à nous relaxer ou détendre, nous pensons avant tout à nous divertir. Créer une autre tension afin de ne plus penser à la tension existante. Que ce soit fumer une cigarette, boire un verre, regarder un film ou papoter avec des amis : c’est toujours une activité qui remplace une autre.

En Yoga, le mot « se relaxer » a une toute autre définition. Nous parlons d’un esprit tellement calme qu’il peut rentrer dans un état de non-pensée. Un corps dont chaque muscle, chaque cellule, est dans entièrement détendu.

Le Yoga Nidra, tel que conçu par Swami Satyananda Saraswati, vise avant tout cet état de relaxation totale.

Les bienfaits du Yoga Nidra.

De cet état de relaxation totale découle toute une série de changement en nous qui a la capacité de nous transformer. L’esprit rentre dans l’état de sattva guna et développe du recul et du discernement. La prise de décision devient facile. Au lieu de réagir aux situations, nous devenons acteurs de nos vies. Sur un plan ésotérique, on arrive à se rendre compte des diverses énergies qui sont présentes dans notre corps. Cela apaise les dosha hyperactifs. Sans stress, le corps et l’esprit entrent dans un état de récupération et régénération. Les bienfaits de Yoga Nidra sont surtout visibles dans les cas de stress et d’anxiété. Une pratique régulière aide à se défaire des effets néfastes du stress tels que les problèmes digestifs tout en améliorant la circulation du sang dans le corps. L’effet de chaque asana que nous faisons est dédoublé.

Comment se pratique le Yoga Nidra ?

Le Yoga Nidra de Swami Satyananda Saraswati contient les étapes suivantes :

1. Cela démarre dans le Shavāsana (la posture du mort) où nous prenons le temps de relaxer le corps tout en assurant que les divers membres du corps ne sont pas en contact de l’un et l’autre.
2. Ensuite vient le moment du vœu (sankalpa) où nous décidons de notre intention avant la pratique du Yoga Nidra.
3. Par la suite, en suivant les directions du praticien, nous cherchons à faire voyager notre conscience dans les différentes parties du corps.
4. Cette quatrième étape consiste à amener la conscience uniquement sur le souffle, très souvent en le comptant, afin de permettre une meilleure concentration et relaxation.
5. Durant cette étape, nous nous concentrons sur nos émotions et les sensations pour faire un travail de fond sur les aspects de notre être qui causent du stress dans la vie.
6. La séance se termine avec une visualisation pour mieux relaxer l’esprit.

A noter : Très souvent, durant la pratique du Yoga Nidra, on a tendance à aller directement dans le Shavasana. Ce n’est pas conseillé. Idéalement, il est important d’avoir pratiqué les asanas avant. Une séance typique du Yoga Nidra peut se dérouler ainsi : 45 minutes d’asanas (notamment les asanas qui visent l’ouverture de cage thoracique et qui travaillent le système digestif), 15 minutes de pranayama (nādī shodhana sera un excellent pranayama à pratiquer dans ce contexte) et 30 minutes de Yoga Nidra.

Les origines plus anciennes.

Swami Satyananda avait basé sa version du Yoga Nidra sur une pratique tantrique encore peu connue en dehors des cercles tantriques : la pratique de Nyāsa. Le nyāsa consiste à mettre l’énergie des mantras dans les diverses parties du corps afin de changer subtilement les énergies présentes dans le corps. Swami Satyananda a enlevé les aspects rituéliques de cette pratique et changé le chant des mantras par faire voyager la conscience. Mais c’est derrière une meilleure compréhension de la pratique de nyāsa que ce cache le vrai potentiel de Yoga Nidra.

La pratique enseignée par Swami Satyananda ne date que d’une 50aine d’années. Mais les premiers textes qui parlent du Yoga Nidra date du 7^ème siècle avant l’ère commune. Cette ancienne pratique différait de la pratique plus moderne. La recherche n’était pas de relaxation totale (pour un yogi, cet état était déjà un acquis). Vasishta Samhita donne un exemple de cette pratique où le yogi utilise le Yoga Nidra pour amener son prana dans 18 marmānī différentes du corps dans le but d’une purification énergétique.

Mais il s’agit bien d’une forme d’hypnose, non ?

Pas vraiment. Et quand bien pratiqué, pas du tout. Le but de l’hypnose est d’ouvrir l’esprit aux suggestions. Le but du Yoga Nidra est avant tout de prendre conscience du corps, des différentes énergies dans le corps et permettre à notre conscience de les relaxer à volonté. D’ailleurs, l’idée de mettre des suggestions dans notre esprit va à contresens de la philosophie yogique. En Yoga, on cherche à défaire les modifications qu’apporte l’esprit à notre conscience afin de pouvoir apercevoir les choses telles qu’elles sont. Pas créer des nouvelles modifications !