Cet article a été écrit pour les cours de lundi.
11-16 Les transformations subtiles | |
व्युत्थाननिरोधसंस्कारयोरभिभवप्रादुर्भावौ निरोधक्षणचित्तान्वयो निरोधपरिणामः॥९॥
vyutthāna-nirodha-saṁskārayoḥ abhibhava-prādurbhāvau nirodhakṣaṇa cittānvayo nirodha-pariṇāmaḥ ॥9॥ |
Le Nirodha Parinama (* A voir en bas) est la conjonction de l’esprit avec le moment de nirodha quand les potentialités sortantes disparaissent et l’esprit est dans un état de nirodha avant que les nouvelles potentialités apparaissent. |
तस्य प्रशान्तवाहिता संस्कारात्॥१०॥
tasya praśānta-vāhitā saṁskārat ॥10॥ |
A travers les samskara (de nirodha) vient son écoulement non-perturbé (de nirodha parinama) |
सर्वार्थतैकाग्रतयोः क्षयोदयौ चित्तस्य समाधिपरिणामः॥११॥
sarvārthatā ekāgrātayoḥ kṣayodayau cittasya samādhi-pariṇāmaḥ ॥11॥ |
La destruction/dissolution de la dispersion de l’esprit et l’apparition de la concentration (intense) s’appelle Samadhi Parinama |
ततः पुनः शान्तोदितौ तुल्यप्रत्ययौ चित्तस्यैकाग्रतापरिणामः॥१२॥
tataḥ punaḥ śātoditau tulya-pratyayau cittasya-ikāgratā-pariṇāmaḥ ॥12॥ |
Puis encore quand (les actes cognitives) qui disparaissent et ceux qui apparaissent sont similaires, vient ekagrata parinama |
एतेन भूतेन्द्रियेषु धर्मलक्षणावस्थापरिणामा व्याख्याताः॥१३॥
etena bhūtendriyeṣu dharma-lakṣaṇa-avasthā pariṇāmā vyākhyātāḥ ॥13॥ |
A travers cela (les sutras qui précèdent) se décrivent les transformations dans dharma, laksana, et avastha. |
शान्तोदिताव्यपदेश्यधर्मानुपाती धर्मी॥१४॥
ān-odita-avyapadeśya-dharmānupātī dharmī ॥14॥ |
Ce qui est conforme aux dharmas affaissés, soulevés et indéterminables est le dharmin. |
क्रमान्यत्वं परिणामान्यत्वे हेतुः॥१५॥
kramānyatvaṁ pariṇāmānyateve hetuḥ ॥15॥ |
Les différentes phases de séquence (des caractéristiques des objets) est la cause des différents parinama (modifications). |
परिणामत्रयसंयमादतीतानागतज्ञानम्॥१६॥
pariṇāmatraya-saṁyamāt-atītānāgata jñānam ॥16॥ |
A travers Samyama sur les trois transformations vient la connaissance de la passé et l’avenir. |
Si vous notez, cette fois ci même dans la traduction, j’ai décidé de laisser plusieurs mots de sanskrit. Cela fait partie de mon essaie d’améliorer la qualité de mes traductions. Très souvent, les mots sanskrits n’ont pas forcément un équivalent en Français. Et même quand les équivalents existent, sans avoir des bases solides dans la philosophie indienne, la traduction s’avère incorrecte.
Nous irons plus en rigueur durant la deuxième lecture des Yoga Sutras (après avoir terminé ce premier lecture). Mais déjà, j’espère pouvoir mieux transmettre le message des Yoga Sutras en traduisant certains de ces mots séparément avec une explication plus profonde.
व्युत्थाननिरोधसंस्कारयोरभिभवप्रादुर्भावौ निरोधक्षणचित्तान्वयो निरोधपरिणामः॥९॥
Le Nirodha Parinama est la conjonction de l’esprit avec le moment de nirodha quand les potentialités sortantes disparaissent et l’esprit est dans un état de nirodha avant que les nouvelles potentialités apparaissent.
Nirodha
Le mot nirodha est souvent traduit (y compris par moi) comme étant « suppression » ou « contrôle ». On peut également le traduire comme « détruire » ou « entraver ». Cette traduction est tout à fait correcte mais il n’est pas complet. Et surtout, quand pris en conjonction avec la philosophie de Samkhya, sur laquelle se base Yoga, peut s’avérer complètement fautive si on ne capte pas ce que veut dire suppression ou destruction de quelque chose.
निरोध est formé de deux mots : « नि » (ni) qui est un préfix qui signifie « en bas », « retirer dedans », et « रोध » (rodha) qui peut être traduit comme « suppression », « obstruer », « gêner » ou encore « arrêter ».
D’après la philosophie de Sankhya, rien n’est « crée » pas tout est une transformation d’un tattva (réalité/principe/élément) précédent. Donc quand on parle de nirodha ou suppression, on ne parle pas forcément de « détruire » cette chose, mais plutôt de faire le processus inverse d’évolution des tattvas pour que le tattva en question soit repris dans le tattva précédent.
Mieux comprendre le Sutra
Les Samskaras (impression latentes, empreintes) sont pas la nature d’évolution de Prakriti (La nature primordiale) extravertis. Mais même le « nirodha » (suppression) d’un samskara extraverti est également un samskara. (Dites autrement, la suppression de quelque chose est aussi un acte et chaque acte laisse ses empreintes sur les gunas de l’esprit). Quand l’esprit est en conjonction avec le moment de suppression (donc se concentrer sur le moment de nirodha avant que les autres samskara extravertis apparaissent), cela s’appelle nirodha parinama (ou la modification/transformation/transition lié à la suppression).
तस्य प्रशान्तवाहिता संस्कारात्॥१०॥
A travers les samskara (de nirodha) vient son écoulement non-perturbé (de nirodha parinama).
Mieux comprendre le Sutra
Durant l’état de nirodha, l’esprit est en sattva guna (prédominance de sattva). L’esprit est donc calme. Mais dès que les samskara extraverti vont apparaitre, c’est rajas qui deviendra prédominant. Donc seulement tant que l’esprit (mot exacte : citta) reste dans l’état de nirodha que sattva guna restera prédominant. Mais dès que le samskara de nirodha s’affaibli (à cause de manque de concentration, par exemple), rajas guna deviendra prédominant.
सर्वार्थतैकाग्रतयोः क्षयोदयौ चित्तस्य समाधिपरिणामः॥११॥
La destruction/dissolution de la dispersion de l’esprit et l’apparition de la concentration (intense) s’appelle Samadhi Parinama.
Mieux comprendre le Sutra
Le mot sarvārthatā vient de sarva (dans ce contexte : multiples/plusieurs) et artha (valeur/signification). Sarvārthatā est une qualité de l’esprit (typiquement lié à prédominance de rajas guna). Ekāgrāta (eka = un, focus sur une chose) est également une qualité de l’esprit (lié à sattva guna). Quand la qualité de Sarvārthatā disparait et la qualité de Ekāgrāta apparait, cela s’appelle Samadhi Parinama.
Dites autrement, quand le citta (l’esprit) cesse d’être dispersé et arrive à se concentrer sur une seule chose, cela s’appelle le parinama (modification/transformation/transition) de samadhi (transe/l’état d’absorption total) car c’est l’état de samadhi qui devient prédominant.
ततः पुनः शान्तोदितौ तुल्यप्रत्ययौ चित्तस्यैकाग्रतापरिणामः॥१२॥
Puis encore quand (les actes cognitives) qui disparaissent et ceux qui apparaissent sont similaires, vient ekagrata parinama.
Mieux comprendre le Sutra
Quand l’acte cognitive (ou l’idée) précédent est similaire à l’acte (ou l’idée) qui va suivre, cela s’appelle ekagrata parinama ou la transformation de la concentration intense.
Ces 4 sutras sont liés à l’un et l’autre et nous parlent des 3 parinama (modification/transformation) de citta (l’esprit). Durant la première étape, on va faire le Samyama (les trois pratiques de concentration, méditation et samadhi) sur le premier transition (nirodha parinama). Ensuite, quand il y a eu samadhi avec nirodha parinama (la transition de suppression), d’abord on fera samyama sur samadhi parinama et ensuite sur ekagrata parinama.
Dans le dernier cours nous parlions de l’importance de se concentrer sur les moments de transitions afin de pouvoir atteindre le nirbija samadhi (l’absorption dans le Brahman non-manifesté). Ces sutras expliquent le processus utilisé pour arriver à se concentrer sur ces moments de transitions.
Si je schématise :
- Première concentration sera sur la transition de nirodha (nirodha parinama) – donc ce petit moment où les samskara extravertis sont arrêté.
- Mais même dans cet état, l’esprit garde son état de dispersion (dû à la présence de rajas guna). Donc la deuxième concentration sera sur le processus subtil qui amène le samadhi (donc la transition entre la dispersion et le focus sur une seule chose).
- Et finalement viendra la concentration/Samyama sur le moment où le focus sur une seule chose devient « l’état naturel », c’est-à-dire le moment qui vient de passé et comme le moment qui va arriver (concentration intense coule comme l’eau sans obstacles).
A noter : on parle ici des processus extrêmement subtils… même plus subtils que subtils car on est dans les moments de transitions entre les processus extrêmement subtils. La compréhension de ces sutras ne peut venir qu’après des longues années de pratiques.
एतेन भूतेन्द्रियेषु धर्मलक्षणावस्थापरिणामा व्याख्याताः॥१३॥
A travers cela (les sutras qui précèdent) se décrivent les transformations dans dharma, laksana, et avastha.
Dharma
Nous avions frôlé le sujet de dharma dans les cours précédent (et nous en parlerons longuement dans les cours aussi – notamment quand on aborde le sujet des Dharma Shāstra). Mais ici, le mot dharma n’est pas utilisé dans son contexte des lois dharmique. Dharma vient du racine « dhr » qui veut dire « tenir », « supporter », « stable ». Ce mot ici est utilisé comme « caractéristiques », « propriétés », « nature ».
Laksana
Traduit littéralement, laksana veut dire « qualités » ou « indications/symptômes ». Ce mot vient de deux mots : « lakshya » ou « but » et « ksana » ou « la particule le plus petit du temps ».
Avastha
Le mot avastha veut dire l’état/circonstance.
Dharma, Laksana et Avastha
Dharma dans ce contexte veut dire « l’apparence » de l’objet en question (donc ces caractéristiques). Le changement d’apparence a lui-même deux aspects (lié à avastha et laksana). En ce qui concerne laksana, cela signifie le changement dans la plus petite particule du temps (truti – voir le cours précédent). Nous enseigne l’Hindouisme que durant ce plus petit particule de temps, le cosmos entier transforme. Il y a trois étapes de laksana. La première étape est le passé qui a déjà disparu et pourtant préservé car il sera retenu dans les évolutions successifs (impression latente derrière l’évolution). Il y a le moment présent où l’objet existe tel que l’on le perçoit. Et finalement l’avenir, qui n’a pas encore eu lieu (ou plutôt qui n’a pas encore manifesté car dans Brahman non-manifesté cet avenir est déjà « existant ». En ce qui concerne l’avastha, cela siginifie l’état de l’objet en question (donc comment les divers tattva (principes de réalité) sont présent dans l’objet concerné).
Mieux comprendre le Sutra
Ce sutra est à la fois extrêmement important (je disais bien que l’on rentre dans le vif du sujet des Yoga Sutra !) et à la fois extrêmement difficile à aborder. Nous en discuterons en détail durant la deuxième lecture des Yoga Sutras (donc d’ici un an ou deux… !!!).
Le Sutra dit : à travers le Samyana sur les trois parinama (nirodha, samadhi et ekagrata) s’explique aussi les transformations dans les caractéristiques, temps et conditions des objets. Dites autrement, c’est en comprenant (compréhension qui transcende intellect) que l’on arrive à également comprendre les changements qui sont lieu/auront lieu/avait été lieu dans les divers objets/être/choses.
शान्तोदिताव्यपदेश्यधर्मानुपाती धर्मी॥१४॥
Ce qui est conforme aux dharmas affaissés, soulevés et indéterminables est le dharmin.
Mieux comprendre le Sutra
Un autre Sutra qui demande des explications qui parcourront quelques pages. Donc j’essaie de le résumer aussi simplement que je peux pour cette première lecture.
L’apparence est dharma, le changement en apparence est dharma-parinama qui en soit est composé de laksana-parinama et avastha-parinama. Qu’est-ce alors le dharmin ? La cessation d’un dharma (caractéristique) un autre dharma va naitre. Et donc ce qui conforme à ce qui a été, ce qui est, et ce qui n’est pas encore là, ce qui est par nature indivisé dans le divisé, est dharmin. Le mot dharmi pourrait être traduit comme : l’objet qui contient les caractéristiques, le substrat de l’existence.
क्रमान्यत्वं परिणामान्यत्वे हेतुः॥१५॥
Les différentes phases de séquence (des caractéristiques des objets) est la cause des différents parinama (modifications).
Il y a un flux naturel de transformation/modification à tous les niveaux d’existences, que ces niveaux soient grossiers ou subtils. C’est ce qui donne naissance également à ces différents parinama. Certains de ces transformations, on peut s’en rendre compte facilement : comme vieillir. D’autres encore sont beaucoup plus subtils.
परिणामत्रयसंयमादतीतानागतज्ञानम्॥१६॥
A travers Samyama sur les trois transformations vient la connaissance de la passé et l’avenir.
Quand le Yogi atteint le Samyama sur ces trois transformations (dharma, laksana, avastha), il se rend compte de dharmi (le substrat) qui est derrière ces transformations. Et ainsi il devient capable de connaitre ce qui était et ce qui n’est pas encore manifesté.