La voie du Yoga a des obstacles et certains de ces obstacles viennent des pouvoir que l’on peut acquérir sur la voie. Dans les Sutras qui suivent, Patanjali décrit les expériences que l’on peut acquérir à travers Samyama. Mais est-ce que ces expériences sont une aide ? Ou des obstacles ?
17-27 : Les expériences avec Samyama | |
शब्दार्थप्रत्ययानामितरेतराध्यासात् संकरस्तत्प्रविभागसंयमात् सर्वभूतरुतज्ञानम्॥१७॥
śabdārtha-pratyayāmām-itaretarādhyāsāt-saṁkaraḥ tat-pravibhāga-saṁyamāt sarvabhūta-ruta-jñānam ॥17॥ |
Les mots, l’objet et les idées apparaissent comme étant un car l’un réside dans l’autre. A travers Samyama sur leur distinction vient la connaissance de tous les sons des êtres vivants. |
संस्कारसाक्षत्करणात् पूर्वजातिज्ञानम्॥१८॥
saṁskāra-sākṣātkaraṇāt pūrva-jāti-jñānam ॥18॥ |
En ramenant les Samskara (potentialités) dans la conscience, on acquiert la connaissance des réincarnations antérieures. |
प्रत्ययस्य परचित्तज्ञानम्॥१९॥
pratyayasya para-citta-jñānam ॥19॥ |
(A travers Samyama sur) les notions, la connaissance de citta des autres est acquise. |
न च तत् सालम्बनं तस्याविषयीभूतत्वात्॥२०॥
na ca tat sālambanaṁ tasya-aviṣayī bhūtatvāt ॥20॥ |
(Mais) pas le sujet derrière ces notions car ce n’était pas l’objet de l’observation. |
कायरूपसंयमात् तद्ग्राह्यशक्तिस्तम्भे चक्षुःप्रकाशासंप्रयोगेऽन्तर्धानम्॥२१॥
kāya-rūpa-saṁyamāt tat-grāhyaśakti-stambhe cakṣuḥ prakāśāsaṁprayoge-‘ntardhānam ॥21॥ |
Quand on pratique Samyama sur la forme du corps, la perception du corps étant supprimée dû à son dépassement du champs visuel, vient l’invisibilité. |
सोपक्रमं निरुपक्रमं च कर्म तत्संयमादपरान्तज्ञानमरिष्टेभ्यो वा॥२२॥
sopa-kramaṁ nirupa-kramaṁ ca karma tatsaṁyamāt-aparāntajñānam ariṣṭebhyo vā ॥22॥ |
Karma montre ses fruits soit rapidement soit doucement. A travers Samyama sur ça (les Karmas) ou les présages, vient la connaissance de l’heure de la mort. |
मैत्र्यादिषु बलानि॥२३॥
maitry-adiṣu balāni ॥23॥ |
A travers Samyama sur la vaillance (et vertus similaires) vient le pouvoir (sur ces vertus) |
बलेषु हस्तिबलादीनि॥२४॥
baleṣu hastibalādīnī ॥24॥ |
(A travers Samyama sur) la force d’un éléphant, on obtient cette force. |
प्रवृत्त्यालोकन्यासात् सूक्ष्मव्यवहितविप्रकृष्टज्ञानम्॥२५॥
pravr̥tty-āloka-nyāsāt sūkṣmā-vyāvahita-viprakr̥ṣṭa-jñānam ॥25॥ |
En projetant la lumière de citta sur ce qui est subtile, cachée ou loin vient la connaissance (de l’objet concerné). |
भुवनज्ञानं सूर्ये संयमात्॥२६॥
bhuva-jñānaṁ sūrye-saṁyamāt ॥26॥ |
(A travers Samyama) sur le soleil, vient la connaissance du cosmos. |
चन्द्रे ताराव्यूहज्ञानम्॥२७॥
candre tāravyūha-jñānam ॥27॥ |
(A travers Samyama) sur la lune, vient la connaissance des étoiles. |
A noter : Ces sutras peuvent paraître comme une liste de « super-pouvoirs ». Ils représentent néanmoins les expériences personnelles d’un Yogi dans sa quête de comprendre le « pourquoi » derrière les divers aspects du monde. Ils sont également intéressants d’un point de vue technique afin de comprendre l’être. Cependant, je n’ajoute pas de commentaire sur tous les sutras mais uniquement ceux qui présentent des idées intéressantes du point de vue de métaphysique ou philosophique.
शब्दार्थप्रत्ययानामितरेतराध्यासात् संकरस्तत्प्रविभागसंयमात् सर्वभूतरुतज्ञानम्॥१७॥
Les mots, l’objet et les idées apparaissent comme étant un car l’un réside dans l’autre. A travers Samyama sur leur distinction vient la connaissance de tous les sons des êtres vivants.
Quelle est la naissance des mots ? Du langage ? Des voyelles et consonnes ? Notre citta cherche à comprendre le monde qui l’entoure. Chaque fois le citta vient en contact avec un objet, une idée, une notion est créée. L’effort de citta à exprimer la notion/l’idée (à travers le mouvement de prana) se manifeste par les mots/phrases.
Au fur et à mesure, on confond ces trois aspects et on voit le mot, l’idée et l’objet comme étant un. Mais à travers samyama sur la différence qui existe entre le mot, l’idée et l’objet, on arrive à comprendre le processus de l’expression de citta (et donc, dit Patanjali) comprendre le son de tous les êtres vivants.
संस्कारसाक्षत्करणात् पूर्वजातिज्ञानम्॥१८॥
En ramenant les Samskara (potentialités) dans la conscience, on acquiert la connaissance des réincarnations antérieures.
Pourquoi nous faisons ce que nous faisons ? Quels sont les effets de nos actes ? Chaque acte se dissout dans la singularité. Mais chaque acte laisse également une impression latente, ce qui détermine la potentialité d’un nouvel acte. Une manière facile de comprendre cela sera de voir les potentialités comme étant un cristal. Chaque acte que nous commettons est comme une coloration sur ce cristal. L’instant présent rayonne à travers ce cristal sur nous, ajoutant ainsi la coloration de ce cristal sur nous. Et c’est ce qui détermine la potentialité d’un nouvel acte que nous allons faire.
Certaines de ces potentialités sont facilement observables (liée à notre éducation, par exemple, on encore la causalité mise en place par les actes passés – comme si on s’inscrit à un cours de Mandarin, cela met en place une potentialité que dans l’avenir nous pourrions parler Mandarin). D’autres potentialités sont plus difficiles à observer (les impressions latentes des vies antérieures).
Mais pour celui qui pratique Samyama sur les impressions latentes, il arrive à acquérir la connaissance de ses vies passées également.
सोपक्रमं निरुपक्रमं च कर्म तत्संयमादपरान्तज्ञानमरिष्टेभ्यो वा॥२२॥
Karma montre ses fruits soit rapidement soit doucement. A travers Samyama sur ça (les Karmas) ou les présages, vient la connaissance de l’heure de la mort.
Mettez une étincelle dans une pile de foin et un autre dans un canapé. Le foin va brûler tout de suite. Le canapé, au début on ne se rendra même pas compte qu’il brûle de l’intérieur. Pourtant quand le feu va se déclencher (presque inattendu), il risque de brûler tout le salon !
Le Karma (les actes) sont pareils. Certains de nos actes montrent leur résultat presque immédiatement. D’autres encore se réalisent longtemps après. Mais même ces derniers laissent des indices (les présages – dans notre exemple – tiens, ça sent mauvais dans l’appartement !). Dit Patanjali : à travers Samyama sur le Karma (ou les présages) un Yogi peut connaitre l’heure de sa mort.
Commentaire personnel.
Ce qui m’intéresse particulièrement dans ce Sutra n’est pas la possibilité de connaitre l’heure de sa mort. Presque tous les maîtres Yogis et Tantrikas que j’ai eu l’occasion de rencontrer avaient cette capacité. Néanmoins, ils s’en fichaient royalement de cette capacité.
C’est de comprendre que Karma peut agir rapidement, comme il peut agir lentement, qui est important.
Nous vivons dans une société qui a (et cela depuis bien longtemps) arrêté de vivre dans l’instant présent. C’est ironique alors que la même société (et ça c’est plus récent) a également perdu tout recul sur ses propres actes. Les résultats qui ne se réaliseront que longtemps après ne sont plus tenus en compte. Seul le résultat instantané compte.
Sur une échelle personnelle, cela se traduit en « Mais je me sens bien après, alors ça ne peut pas être mauvais ! ». Sur une échelle plus large, maintenant que l’on se rend compte de la catastrophe climatique qui nous attend, peut-être il serait temps de mettre en question la société de pure consommation dont on vente tant les « progrès ».
भुवनज्ञानं सूर्ये संयमात्॥२६॥
(A travers Samyama) sur le soleil vient la connaissance du cosmos.
Ce sutra peut être interprété de deux façon. La première sera à travers le Samyama sur le Soleil directement, qui par la suite nous amène à la compréhension du cosmos externe.
La deuxième interprétation se concentre sur le soleil intérieur (Sattva Guna) à travers duquel il est possible d’avoir la connaissance de la cosmogonie Hindou. Dans son commentaire, Vyasa (5ème siècle) utilise ce Sutra pour expliquer cette cosmogonie, parlant alors des 7 Lokas (7 mondes), les 6 enfers, et les 7 Patalas (mondes inférieurs).
(De même, les Sutras 27 et 28 peuvent avoir deux interprétations possibles).