Essoufflé, couvert de sueur : est-il Yoga ?

Couvert de sueur et essoufflé: est-il toujours yoga?

Il y a environ un an, un ami m’a passé un magazine qu’il avait acheté à Los Angeles. Un des articles dans ce magazine, écrit apparemment par un professeur reconnu dans le milieu, parlait de comment le yoga ne permettait pas de brûler assez de calories. Ce professeur comptait bientôt lancer son propre style de yoga qui allait brûler beaucoup de calories tout en gardant les autres bienfaits de yoga.

J’ai haussé les épaules et j’ai soupiré. J’ai posé le magazine et on a parlé d’autre chose.

Cet article m’est revenu dans l’esprit récemment car j’ai croisé plusieurs personnes qui m’ont parlé de comment ils se sont blessés durant la pratique de Yoga. Cela m’a pas mal étonné. Je suis allé faire un tour de ce qui se passe ailleurs dans les studios de yoga. Mon étonnement s’est vite converti en choc. Ces cours contenaient souvent les enchainements ultra-rapides. Parfois, le prof enseignait. Mais la plupart du temps, il faisait les asanas de son côté et les élèves cherchaient à suivre du mieux qu’ils pouvaient. Quasiment toujours, on terminait en sueur et bien essoufflé. Presque tout le monde était content. On s’était fatigué. On s’était dépensé. On avait l’impression de s’être déstressé.

Il y a juste un problème : ça n’a rien à avoir avec Yoga.

Durant les mouvements agités ainsi que les détox, le Vāta vicié déplace ces dosha et sous-dosha ailleurs dans notre corps. Sur le moment, ça nous fait du bien car l’on a l’impression que le problème est parti. Mais il n’est pas réellement parti. Il s’est simplement déplacé.

Yoga fut une quête spirituelle. Même d’un point de vue entièrement pragmatique, il reste une philosophie, un art de vivre et une approche holistique au bien-être. Cette approche se base sur les connaissances d’Ayurvéda, la médecine traditionnelle indienne. Et d’après Ayurvéda, quand nous sommes essoufflés, couvert de sueur, nous sommes en train de créer les maladies, pas les soigner.

Qu’est-ce que nous enseigne Ayurvéda ?

D’après l’Ayurvéda, notre corps a trois « humeurs » : les trois dosha. Vāta dosha, c’est le principe de mouvement. N’importe quel mouvement dans le corps, que ce soit les émotions ou encore notre souffle, est lié à Vāta dosha. Pitta dosha est le principe de digestion qui agit directement sur notre métabolisme : à la fois émotionnel et à la fois physique. Kapha dosha est le principe de nutrition qui donne la forme à notre corps, à nos os et à nos muscles.

Quand ces doshas sont en équilibre, le corps est en bonne santé physique et psychologique. Quand un de ces doshas est vicié, cela crée la maladie.

Les anciens textes nous parlent de 80 maladies causées par un Vāta vicié, 40 causées par un Pitta vicié et 20 causées par un Kapha vicié. Quand nous sommes essoufflés, c’est un signe de Vāta qui augmente. Quand nous avons chaud et nous transpirons, c’est un signe que Pitta augmente.

gymnastique n'est pas yoga
Si on veut apprendre la gymnastique, n’est-il pas mieux de s’adresser à un vrai entraineur de gymnastique ?

Et qu’est-ce que nous dit yoga ?

« Sthira sukham asanam » dit Patanjali en Yoga Sutra, « la posture où on peut rester immobile et stable confortablement est une asana ». Il ajoute que la clé pour perfectionner une asana c’est de pouvoir se relâcher dedans et permettre à notre conscience de s’unir avec l’infini.

Pouvoir atteindre cette étape méditative dans les postures est le but du travail physique que nous faisons en Yoga. Et ce travail se fait en subtilité où on amène notre conscience sur la manière dont notre colonne vertébrale se place dans telle ou telle asana, où on découvre les faiblesses existantes dans notre corps et on cherche à les travailler.

De même, quand le but est thérapeutique, on cherche les changements presque invisibles dans la posture de notre corps : pivoter le bassin légèrement vers l’avant, relaxer les fessiers, chercher la longueur dans notre colonne.

C’est quand nous combinons ces deux connaissances venant de Yoga et d’Ayurvéda qu’un exercice physique devient Yoga.

adho mukh svanasana
Pratiquer adho mukh svanāsana ne représente pas Yoga. C’est quand nous sommes en adho mukh svanāsana, notre conscience est tournée vers l’intérieur, nous maitrisons notre souffle et nous nous connectons à l’infini que adho mukh svanāsana devient une asana de Yoga.

Les différences entre exercice conventionnel et Yoga

Les théories conventionnelles de ce qui représente l’exercice et le sport sont très différentes des théories Yogiques. Les buts dans l’exercice conventionnel sont externes : arriver à toucher nos pieds, pouvoir faire un grand écart, renforcer le muscle afin de pouvoir soulever plus de poids, courir plus rapidement ou encore être plus agile. Pour cela, on stresse le corps. En ce qui concerne le renforcement, on cherche à briser les muscles pour que les nouvelles fibres musculaires soient plus épaisses et donc plus fortes. La respiration s’accélère. Le système nerveux sympathique est déclenché et le corps rentre dans un état de stress.

Yoga se focalise beaucoup plus sur le processus. Notre conscience se tourne vers l’intérieur. On cherche à maîtriser notre souffle, relaxer les muscles et amener les changements subtils dans notre corps et nos dosha. C’est le système nerveux parasympathique qui est mis en route. Le corps rentre dans un état de récupération et réjuvénation.

Mais je me sens déstressé après mon cours !

C’est que nous vivons dans un monde des tendances. Yoga est à la mode ces jours-ci. Les détox aussi. Et quand nous ajoutons les adjectifs comme « détox ayurvédique » ou « détox yogique », ça se vend encore mieux ! Peu importe si cela va à contresens de l’intégralité de connaissance ayurvédique et yogique !

Il y a plusieurs raisons pour laquelle vous vous sentez « bien » après un cours agité et fatiguant. Le premier c’est la réaction de notre corps : on le stress, le système nerveux sympathique se déclenche et une fois la fatigue s’installe, le corps et notre système nerveux font de leur mieux pour pouvoir récupérer. Cette réaction nous donne l’impression d’être déstressé.  Mais les effets ne perdurent pas pour autant.

Voici un aperçu de ce que Yoga est devenu

Deuxième raison est beaucoup plus subtile. Chaque dosha (et leurs sous-dosha) ont un emplacement spécifique dans notre corps. Durant les mouvements agités ainsi que les détox, le Vāta vicié déplace ces dosha et sous-dosha ailleurs dans notre corps. Sur le moment, ça nous fait du bien car l’on a l’impression que le problème est parti. Mais il n’est pas réellement parti. Il s’est simplement déplacé.

Yoga, quand bien fait, en contrepartie, ne va pas chercher à simplement créer les réactions de bonheur ni de déplacer le problème. Plutôt il va chercher à agir sur le problème et le soigner à sa source.

Toute cette théorie… mais je veux juste m’assouplir et me renforcer !

Nous abordons Yoga avec des objectifs différents. Peut être votre objectif est purement physique. Et il est vrai que les asanas de yoga vont vous aider dans cet objectif également. Mais surtout, quand bien faits, ces asanas vont vous amener bien plus de bénéfices que simplement renforcement ou assouplissement. N’est-il pas un peu dommage d’enlever tout le savoir qui est derrière et appeler n’importe quoi Yoga même si ça va en contresens de ce savoir ? Après tout : pratiquer adho mukh svanāsana ne représente pas Yoga. C’est quand nous sommes en adho mukh svanāsana, notre conscience est tournée vers l’intérieur, nous maitrisons notre souffle et nous nous connectons à l’infini que adho mukh svanāsana devient une asana de Yoga. Sans cela, tout ce qui reste c’est la gymnastique et le cirque : et si on veut apprendre la gymnastique, n’est-il pas mieux de s’adresser à un vrai entraineur de gymnastique ?

Publié par

Pour moi, le Yoga est un voyage qui a démarré quand j'étais à peine adolescent... mais ce n'était pas le Yoga tel qu'il est pratiqué de nos jours. Il s'agissait surtout d'un art de vivre, une quête vers le Soi, un désir de s'interroger. Aujourd'hui, à travers Abhisaran, j'essaie de transmettre cette approche globale et holistique du yoga qui travaille à la fois le corps, la psyché et l'esprit, tout en s'appuyant sur l'Ayurvéda et le Tantra.

7 commentaires sur « Essoufflé, couvert de sueur : est-il Yoga ? »

  1. Merci pour ce très bon article. En occident on recherche la performance à tout prix, on veut se dépenser, suer, avoir mal, autrement on a l’impression de n’avoir rien « fait ». On approche la pratique du yoga avec un état d’esprit à côté de la place, à mon avis…

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