Si vous avez suivi mes cours ou lu les fiches des asanas, vous me verrez souvent parler de la conscience et son importance dans la pratique de Yoga. Pour chaque asana, il y a au moins un endroit où il faut focaliser notre conscience afin d’en tirer les bienfaits maximaux et très souvent l’endroit où nous amenons notre conscience dans une asana peut changer complètement son impact sur le corps. De même faire les pranayamas ou les méditations avec la conscience au rendez-vous accentue leurs impacts. Mais qu’est-ce ce fameuse conscience ?
Lorsque je suis arrivé à Paris, j’étais assez étonné de voir autant de cours de « méditation pleine conscience ». Au début, je les voyais comme juste un raccourci New Age n’ayant pour but que de faire la « vente ». Cette réaction n’était pas dû à ma mécompréhension de l’importance de la conscience dans notre vie. Mais plutôt parce qu’ayant démarré Yoga étant très jeune, il m’était devenu inconcevable que l’on puisse vivre autrement que dans un état de pleine conscience. Ce n’est qu’après plusieurs rencontres que je me suis rendu compte que ce que je prenais pour un acquis n’était pas du tout simple pour tout le monde. Et surtout je me suis rendu compte que la conscience ne voulait pas dire la même chose pour un occidental et pour un indien.
Très souvent, quand nous parlons d’être conscient de quelque chose, nous parlons simplement de « connaître » l’existence de la chose en question. « Je suis conscient de la chaise sur laquelle je suis assis » devient « je sais qu’il y a une chaise et je suis assis dessus ». « Je suis conscient du sol sous mes pieds » devient « je sais qu’il y a le sol sous mes pieds ». Pourtant quand un Yogi (ou d’ailleurs un tantrique/bouddhiste/taoïste) parle de la conscience, il ne parle pas du tout de simplement connaître l’existence de quelque chose.
Qu’est-ce la conscience ?
Swami Vivekanand disait que la seule différence entre la science et le Yoga c’est que la science pense que la source de « je » c’est l’esprit tandis qu’en Yoga on considère que la source de l’esprit c’est le « je ». Il n’avait pas tort. Et c’est une différence qui change d’une manière fondamentale ce que nous tirons des philosophies comme Yoga.
Est-ce que notre conscience est simplement notre esprit alors ? Est-ce l’esprit le maître ? Et pourtant quand nous décidons, nous arrivons à contrôler notre esprit et le diriger vers nos buts. N’y a-t-il pas alors une faute de logique dedans ? Qu’est-ce que ce « nous » qui arrive à contrôler l’esprit ? Quelle est la nature du « je » ?
Pour un Yogi le « je » ainsi que notre « esprit » sont simplement les transformations de notre conscience. C’est cette conscience qui est notre être manifesté. Et quand nous parlons d’amener notre conscience dans tel ou tel endroit, nous parlons d’amener l’intégralité de notre être dans cet endroit.
Sur un niveau pratique, cela revient à dire que non seulement nous « connaissons » l’objet de la concentration de notre conscience mais nous sommes capables de l’observer avec détachement : comme si nous étions un spectateur de nos propres actions. Et petit à petit, nous devenons cet objet tout en gardant la capacité de pouvoir l’observer de loin.
Pour prendre un exemple : « je suis conscient du sol sous mes pieds » devient « je sais qu’il y a un sol sous mes pieds, j’arrive à l’observer, j’arrive à capter chaque subtilité de ce sol » et petit à petit cela devient « je suis mes pieds, je suis le sol, et en même temps je suis loin des deux et j’arrive à les observer tels qu’ils sont sans que mon observation soit filtrée par les limites de mon cerveau. »
Mais je m’en fous de la conscience !
A moins d’avoir eu l’expérience où vous avez ressenti la présence de votre conscience, les profondeurs de cette conscience ne sont pas faciles à capter. Les mots, après tout, sont simplement une expression de notre esprit. Et notre conscience existe au-delà de notre esprit. Mais même si l’on croit dans l’existence de la conscience, parfois l’on a du mal à comprendre son utilité. Après tout, à quoi bon savoir s’observer avec détachement ? A quoi bon pouvoir devenir notre pied et le sol sous nos pieds ?
Pourtant ce ne sont pas nos yeux qui voient ni nos oreilles qui entendent. C’est notre cerveau qui interprète ce que nos sens de perception lui envoient. Il réagit et ce sont ses réactions que nous percevons. Sur ces réactions, nous basons les décisions importantes de notre vie.
Quelque part, nous vivons nos vies juste d’une manière réactive. Et le problème des réactions c’est qu’elles sont éphémères. Elles changent selon les circonstances. Ce qui en suit sont des regrets.
Imaginez alors la capacité de voir le monde tel qu’il est et pas uniquement filtré par notre esprit. Imaginez la capacité de pouvoir observer et comprendre chaque nuance de notre être, de notre esprit. Imaginez maintenant l’impact que cela aura sur votre vie.
Les clés pour développer la conscience.
Votre pratique de yoga réclame que votre conscience soit au rendez-vous mais en même temps, surtout quand elle est bien faite, la même pratique de Yoga vous aide à développer votre conscience.
La deuxième clé de la conscience c’est compréhension et concentration. Compréhension de ce qu’une asana cherche à faire. Concentration dans notre acte et dans l’instant présent.
La troisième clé est également le plus subtil – c’est votre expiration. Dans yoga, il y a un dictat : quand nous inspirons, nous prenons l’univers en nous. Quand nous expirons, nous nous donnons à l’univers. L’expiration est liée à l’abandon de « je », de notre égo. Sur un plan physiologique, c’est durant l’expiration que notre système nerveux parasympathique est mis en route, ce qui amène l’état de calme et repos (raison pour laquelle quand il s’agit de diminuer le stress, expirer lentement aide). Un autre effet intéressant du déclenchement du système nerveux parasympathique (et contrairement au système nerveux sympathique) est que les hormones produites par ce système ne font pas réagir le corps. Et c’est durant le moment d’expiration (ainsi que durant la rétention suite à l’expiration) que notre esprit prend du recul et la conscience peut se manifester et devenir observateur sans attachement.
Comment développer la conscience ?
Afin de tirer les bienfaits des asanas, pranayamas et méditations, vous avez besoin d’amener votre conscience au rendez-vous, mais ces pratiques aident à développer la conscience également. Ce qui est important c’est de ne pas faire simplement des mouvements, mais plutôt de prendre votre temps et vous concentrer dans les subtilités de chaque mouvement. Par exemple, quand vous respirez, concentrez-vous sur vos narines. Observez l’air qui entre et qui sort de vos narines. Est-ce qu’il y a une différence de température entre l’air que vous inspirez et que vous expirez ? Suivez le parcours de votre souffle dans votre corps. Comment est-ce que votre diaphragme thoracique bouge ? Vos cotes ?
De même, lors d’une asana comme adho mukh svanāsana, comment est-ce que vos épaules se placent ? Pensez à la rotation externe des épaules. Et votre colonne vertébrale ? Vos cuisses, vos hanches, les mollets ainsi que les orteils et les talons ?
Tout comme Yoga n’est pas juste un sport, une asana n’est pas juste un exercice physique. Une fois votre conscience est au rendez-vous… comme disait William Blake :
If the doors of perception were cleansed everything would appear to man as it is: infinite.
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