Les Niyama (observances) et votre pratique de Yoga.

Niyama ou les obsérvances

L’autre jour je faisais du shopping et je suis tombé sur une marque qui affichait en gros sur ses t-shirts : « Discipline is not a dirty word ! ». J’ai failli en acheter un. J’aurais dû. Il serait allé tellement bien avec cet article sur les Niyama, le deuxième des 8 piliers de Yoga.

Là où les Yama (éthiques) nous parlent de notre conduite envers nous-même et l’extérieur, les Niyama concernent nos observances, nos habitudes, notre hygiène et notre discipline de vie. Ces deux piliers de yoga vont main dans la main et nous montrent un chemin vers la paix interne. Dans son texte fondateur, Patanjali parle de 5 niyama en particulier.

Shaucha – propreté et clarté d’esprit, parole et corps.

« Avec la propreté et pureté du corps et de l’esprit vient la purification de notre essence, » dit Patanjali, « une bonté et une joie, un sens de concentration et de l’intention, la maîtrise et l’union des sens, et une capacité de réalisation de soi. »

Dans Yoga nous considérons que tout a un impact sur notre psyché. Si notre environnement est sale ou poussiéreux, l’air que nous respirons sera pareillement pollué. Un corps qui n’est pas nettoyé régulièrement sera davantage sujet aux infections. Si notre nourriture n’est pas saine et fraîche, non seulement nous risquons de tomber malade mais notre corps aura besoin de bien plus d’énergie afin de digérer ce que nous avons mangé. Et cela aura un impact négatif sur notre esprit.

Pareillement, la pureté de l’esprit est importante. Si nous sommes remplis de la haine, de la jalousie, des préjudices et de la colère, ainsi que d’autres émotions négatives, non seulement notre cerveau n’arrivera jamais à trouver la paix mais nos artères vont se serrer, la pression sur le cœur va augmenter et le corps vivra sous un stress perpétuel.

L’impact sur la pratique. Prenons trois cas hypothétiques. Dans le premier, la personne ne prend pas soin d’elle-même. Ce qu’elle a mangé, le corps n’a pas bien réussi à le digérer. Le manque d’hydratation adéquate a causé la sécheresse de la peau. Dans le deuxième cas, la personne prend soin d’elle-même au niveau physique, mais elle reste remplie de colère et de la haine. Et dans le troisième cas, la personne a adopté le niyama de shaucha.

Et maintenant imaginons que ces personnes pratiquent le uttānāsana où le corps est plié en deux et à travers d’étirement intense, nous cherchons à masser les organes internes tels que les reins et le foie. L’impact dans le premier cas est assez claire. D’ailleurs, rien que le manque de bonne hydratation risque de créer des crampes. L’impact dans le deuxième cas peut paraître plus subtile. Mais l’esprit de cette personne restera torturé. Le stress notamment au niveau des clavicules et le bas de dos va réduire la mobilité. L’asana va l’aider à réduire ce stress mais il se peut que les effets de l’asana ne perdurent que quelques heures. Dans le troisième cas, en contrepartie, libérée des maux de corps et de l’esprit, la personne arrivera à rentrer dans les subtilités de l’asana avec aisance, et l’approfondira autant au niveau physique qu’au niveau psychologique et spirituelle.

Comment le mettre en œuvre dans votre vie ? La partie corporelle et environnementale se fait à travers une discipline de vie : mieux manger, s’hydrater d’une manière adéquate, se doucher régulièrement, prendre soin de notre santé et de notre corps, pratiquer les asanas (ou d’ailleurs d’autres activités sportives) régulièrement. La partie psychologique se fait sur la durée à travers d’introspection, connaissance et compréhension de soi. Il ne s’agit pas ici de positiver des choses qui ne vont pas. Ni de pensée positive. Plutôt il s’agit de comprendre les sources de nos émotions négatives et les réduire /enlever autant que possible.

A se rappeler : Dans Yoga, nous ne suivons aucune règle aveuglément. Sans compréhension de l’importance de ces règles, leur impact restera toujours moindre.

Santosha – satisfaction, contentement et optimisme.

Je me rappelle de mon enfance où avec un sourire jusqu’aux oreilles, je pouvais regarder le vol d’un oiseau pendant des heures et ressentir une béatitude totale. Où avons-nous perdu notre capacité d’être émerveillé par un rien et la joie qui en suit ? Pourquoi le lever du soleil n’amène pas avec lui un nouvel espoir ? Pourquoi la brillance de la lune se cache derrière ces lumières artificielles ? Où sont passés les archipels sidéraux ?

Le deuxième niyama dont parle Patanjali c’est celui de contentement. De s’accepter, d’accepter notre sort.

Très souvent nous confondons cette idée avec « ne rien vouloir » ou « n’avoir aucun but ». C’est loin d’être le cas. Que ce soit dans Yoga ou dans la vie, avancer vers quelque chose, avoir des buts est d’une grande importance. Mais quand nous ne sommes pas contents de notre sort, nous nous sentons obligé, contraint et forcé d’avancer. Notre désir et nos buts sont eux même pollués par cette motivation de base. Ne serait-il pas préférable d’avancer parce que nous avons une réelle envie d’avancer ? De nous sentir libre dans notre chemin ?

L’impact sur la pratique. Nous parlons souvent d’importance de vivre dans l’instant présent. Le vrai bonheur se trouve dans ce moment. Les plaisirs qui viennent d’un tout et d’un rien. Mais un cerveau qui n’est ni satisfait ni content ne peut jamais être dans l’instant présent. Les facteurs externes derrière son mécontentement auront toujours un fort contrôle sur ce cerveau et il se trouvera sans arrêt basculé soit vers le passé soit vers les cogitations sur l’avenir. Ce sont les petits plaisirs de la vie qui seront perdus. L’émerveillement qui nous amenait les sourires les plus mémorables durant notre enfance ne sera plus le nôtre.

Comment le mettre en œuvre dans nos vies ? Trouver (ou plutôt retrouver) cet état d’esprit est intimement lié à plusieurs autres piliers de Yoga. Notamment les asanas, les pranayamas et la méditation vont main dans ma main avec un travail introspectif afin de comprendre la source de notre mécontentement. Une fois cette source trouvée, il est question d’utiliser notre souffle et une pratique méditative pour nous aider à retrouver l’état de contentement.

A se rappeler de nouveau : Il ne s’agit nullement de ne pas avoir de but. Mais plutôt de trouver la bonne motivation pour poursuivre nos buts au lieu d’une motivation négative.

Tapas – discipline, persévérance et méditation.

Le mot « tapas » vient de « tap » qui signifie « chauffer/brûler ». Nos buts établis, la bonne motivation trouvée, il est maintenant question de les atteindre. Dans le chemin vers la réussite, il y aura toujours des échecs. Que ferons nous quand ces échecs viendront ? Est-ce que nous baisserons les bras ? Ou est-ce que nous combattrons ? Ce combat c’est le tapas.

Dans Yoga, se combat se fait sur les trois niveaux : corporel, psychologique et spirituel. En ce qui concerne le corps, il s’agit de persévérance sur les bonnes habitudes, notre hygiène et notre discipline de vie. Sur une échelle psychologique, il s’agit de persévérance mentale : ne pas se laisser démotivé, ne pas céder aux émotions et pensées négatives. Titre spirituelle c’est au niveau de nos méditations, qu’elles soient sur notre propre être ou la nature de dieu.

L’impact sur la pratique. Afin d’avoir la concentration et la force nécessaire pour atteindre nos buts, notre corps a besoin de régularité. Imaginons que votre but c’est d’avoir plus de souplesse dans les ischio-jambiers. Faites un test. Durant un mois, travaillez les ischio-jambiers d’une façon irrégulière, quand ça vous plait. Prochain mois, travaillez les mêmes exercices avec une régularité et une discipline. Et comparez les résultats.

Travailler souplesse est un exemple simpliste. Mais les mêmes paradigmes restent présents quel que soit la nature de nos objectifs. De même, avoir une vie disciplinée aide davantage à se sortir des moments de faiblesses que nous pouvons avoir.

Comment le mettre en œuvre ? Ce niyama est lié à votre volonté. Avoir des bons buts et la bonne motivation est important dans tapas. Sans cela, la volonté ne sera jamais au rendez-vous car votre inconscient restera toujours en conflit avec les désirs de votre conscient. De même, chercher les transformations totales d’un seul coup a plus de mauvais effets que de bons. Intégrez la discipline petit à petit dans votre vie. Dans notre exemple d’ischio-jambiers, démarrez par juste 10 minutes par jour. Et petit à petit augmentez la durée de vos exercices.

A noter : Persévérance et discipline doivent être accompagnées des autres Niyamas et Yamas. Sans cela, vous vous trouverez simplement à vous forcer à faire des choses et au lieu d’amener les bons résultats, la même persévérance et discipline va plutôt créer le stress. Pour reprendre notre exemple, tapas dit : « je dois travailler les ischio-jambiers tous les matins à 7h ». Mais Ahimsa dit : « je ne dois pas être violent avec mon corps ». Donc si vous êtes blessé ou malade, le même travail sur les ischio-jambiers risque de vous faire plus de mal que du bien.

Svādhyāya – l’étude de soi.

« Etudiez votre propre être, » dit Patanjali « et découvrez le divin ». C’est le niyama sans lequel les autres niyama et yama perdent leurs sens et deviennent juste des règles de moralités imposés sur nous. A quoi bon avoir une vie disciplinée, à quoi bon persévérer si nous ne savons même pas ce que nous voulons ? Comment être non-violent envers les autres et nous même si nous ne connaissons pas les causes de notre violence et notre colère ? Pourquoi parler d’hygiène de vie quand nous ne savons pas ce que nous cherchons et ce qui nous fera du bien ? D’ailleurs, être bien… ce n’est pas comme si ce mot avait une définition unique. Nous sommes chacun différent et nos besoins le sont également. Ce qui est « bien » pour un peut très bien être « mal » pour un autre.

L’impact sur la pratique. Une asana n’est qu’un reflet de notre être. Quand nous débutons, nous pensons à l’alignement, à la force ou la souplesse nécessaire pour tenir cet asana. Rapidement pourtant nous nous rendons compte que l’asana que nous pratiquons est en train de nous dire tellement de chose sur notre vie.

Connaissance de soi et pratique de Yoga sont intimement liées, que ce soit les postures physiques, les exercices de pranayama ou encore ceux de méditation. Quand nous nous connaissons, chaque exercice, chaque œuvre se métamorphose. Tout notre être y est présent. Il n’y a plus de conflit, ni externe ni interne. La concentration qui forme la base de méditation coule comme un flux constant. L’union, paix et bien-être que nous cherchons sont alors à notre porté.

Comment le mettre en œuvre ? Cette étude de soi n’est pas quelque chose qui peut être accompli dans une journée ou un mois. Connaissance de soi approfondit chaque pilier de Yoga que nous pratiquons. Et chaque pilier de Yoga nous amène vers une meilleure connaissance de nous. Je vais plutôt alors parler de la manière dont j’avais mis en œuvre ce niyama de Svādhyāya. J’avais démarré simplement. Ayant terminé mes asanas, mes pranayamas et mes méditations, j’ouvrais un cahier. Je notais les questions qui me venait sur mon être : qui suis-je ? De quoi j’ai envie ? Quelles sont mes peurs ? Petit à petit, j’ai commencé à diviser ma vie en plusieurs morceaux. La vie matérielle. La vie spirituelle. L’aspect physique et santé. Et pour chaque partie de ma vie, je creusais mes peurs, envies, tabous et attentes, ainsi que ce qui m’empêchait de réussir mes buts.

Plus de 25 ans plus tard, j’ai toujours le cahier. Et de temps en temps, j’y écris toujours.

Īshvarapranidhāna – contemplation de divine.

Et la question qui fâche à nos jours : la question de Dieu. Existe-t-il réellement ? Ou est-ce simplement des légendes et des mythes ? Les superstitions même ? Pourtant, si vous êtes en train de vous poser ces questions, vous êtes déjà dans la contemplation du divin.

Yoga se base sur la philosophie de Sankhya – la philosophie d’énumération de la manifestation de l’univers. Cette philosophie à la base est une philosophie athée – pas dans le sens qu’elle ne croit pas dans l’existence de dieu, mais plutôt dans le sens qu’elle pose les questions sur l’existence de dieu. Et quand nous pratiquons Yoga dans une manière traditionnelle, c’est ici que nous démarrons : en se demandant d’abord si dieu existe tout court.

Ce n’est pas ma place de vous affirmer quelconque vérité sur le sujet. Tout comme la recherche de soi, c’est une recherche personnelle et chacun d’entre nous doit trouver sa propre réponse.

L’impact sur la pratique. En yoga on dit souvent : quand nous inspirons, nous prenons l’univers en nous. Quand nous expirons, nous nous donnons à l’univers. Existe-t-il quelque chose qui nous dépasse ? Qui nous transcende ? Ou sommes-nous réellement en contrôle de tout ce qui nous arrive ? Quand nous commençons à nous poser ces questions, quand durant l’expiration nous arrivons à nous détacher de notre égo : l’impact de chaque asana, chaque respiration change. Comment ? Ce sera à vous de le découvrir !

Comment le mettre en œuvre ? Simplement. Sans dogmes. Sans préjugé ou a priori. En s’ouvrant à la possibilité. En questionnant.

Les 10 Niyamas dans l’Hindouisme.

  1. Tapas (persévérance)
  2. Santosha (contentement)
  3. Astikya (foi dans le vrai soi)
  4. Dāna (générosité)
  5. Īshvarapūjana (dévotion envers quelque chose qui nous transcende)
  6. Siddhānta vakya srāvana (lecture/écoute des écritures sacrées)
  7. HrĪ (accepter notre passé, être humble)
  8. Mati (réflexion et compréhension)
  9. Japa (récitation des mantras)
  10. Huta (pratiques des rituels).

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Pour moi, le Yoga est un voyage qui a démarré quand j'étais à peine adolescent... mais ce n'était pas le Yoga tel qu'il est pratiqué de nos jours. Il s'agissait surtout d'un art de vivre, une quête vers le Soi, un désir de s'interroger. Aujourd'hui, à travers Abhisaran, j'essaie de transmettre cette approche globale et holistique du yoga qui travaille à la fois le corps, la psyché et l'esprit, tout en s'appuyant sur l'Ayurvéda et le Tantra.

9 commentaires sur « Les Niyama (observances) et votre pratique de Yoga. »

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